Drôme-Hebdo, avril 2020.
Daddy était à Miami avec Arabella et maman toujours en HP, alors je suis partie à la Bergerie. J’adore le Vercors. La maison est perdue au milieu de nulle part, c’est si sauvage, si authentique. Un vrai retour aux sources. La personne chargée de l’entretien a remis la piscine en état, vérifié la connexion internet et fait les courses avant mon arrivée, heureusement. Gros challenge de télétravail en perspective… La Drôme provençale est très photogénique, mais je vais devoir me débrouiller sans mon équipe.
Ya une fille qui est venue s’installer à l’ancienne Bergerie de la colline, la ruine retapée par un richard de la jette-sette. Y parait qu’il y a même une piscine, c’est Gérard qui nous l’a dit, il s’occupe d’ouvrir et de fermer la baraque du rupin, ce vendu. Elle est venue boire un café au village, juste en arrivant. Elle était étonnée que le bar soye ouvert. On lui a expliqué qu’avant son arrivée, y’avait pas le virus, ici. Elle a demandé à Michel si son café, il était fort. Michel il lui a dit, bah que c’était c’est un café quoi. Elle a dit qu’elle aimait pas trop le robusta et qu’elle préférerait un arabica de colombie ou d’éthiopie si c’était possible. Michel, il serre les lèvres en faisant un cul de poule pour nous raconter ça, on en rigole encore.
Que c’est beau ! Quel paysage grandiose ! Ce confinement est vraiment une occasion en or pour redécouvrir notre beau pays et prendre le temps de vivre au rythme de la nature et de ses saisons. Hier, j’ai fait un shooting très réussi dans les champs de lavande, grand succès pour ce post. La lumière était ma-gni-fique et j’ai eu l’idée judicieuse d’ajouter une petite touche sexy à la photo, ce qui a bien plu à mes followers. Quelques péripéties au contact de l’autochtone, nul n’est prophète en son pays. Rien de grave.
Hé ! Gérard ! y’a ta connasse qu’est venue piétiner les lavandes, hier. Je l’ai trouvée le cul à l’air au milieu de mes buissons en train de se prendre en photo dans des positions ridicules. Je te l’ai virée à coup de fourche, t’aurais vu ça, elle a déguerpi comme un garenne en glapissant qu’elle était une influenceuse très connue sur l’instagramme. Qu’est-ce j’en ai à foutre, moi ? Je suis allé pisser dans sa piscine pendant qu’elle achetait des fromages chez André.
Balade au village. Je cherche la boutique géniale où on achète le miel de garrigue, l’été. Les petits producteurs locaux y vendent aussi des savons fabuleux aux huiles essentielles, des bougies naturelles et des chemises en lin. J’aurais voulu leur proposer un article sponsorisé – autant joindre l’utile à l’agréable – mais impossible de la retrouver. Je me suis renseignée auprès d’un quidam qui passait, heureux hasard, c’était le maire ! Il n’était pas content de me voir déambuler mais je crois avoir réussi à l’amadouer.
Et là, cte conne, elle me dit, avec son cul de poule « comprenez, cher monsieur, qu’il soit compliqué de résister à la tentation d’une promenade dans les ruelles historiques de ce si beau village que vous avez le bonheur d’administrer bla bla bla ». Je te lui ai collé une danse de 135 boules pour lui faire passer l’envie. Elle cherchait la boutique. Hé bé, la boutique, elle ouvre quand on a reçu le container pour la saison, ma petite dame, je lui ai dit, là c’est trop tôt, les touristes y zarrivent pas avant juin et la camelote elle est encore en mer de Chine à c’t’heure.
C’est bientôt la fin de cette belle aventure. Cette parenthèse de deux mois m’a fait un bien fou ! Je vais quitter la Bergerie et retourner à la civilisation, laissant derrière moi ce paysage dont je suis tombée amoureuse et tous ces braves villageois un peu bourrus, devenus des amis au fil du temps. Quel déchirement. J’ai organisé une grande fête à la maison pour les remercier de m’avoir si bien accueillie, mais personne n’a pu venir malheureusement, je le regrette.
Ça y est ! elle s’est barrée, la cagole. Elle a compris qu’ici, elle était pas chez elle. Ces gens de la ville qui se croyent tout permis c’est insupportable.