Ro(se)bocop

Un gogo, c’est comme une voiture de collection, y’a toujours un truc qui ne marche pas. Joint de culasse claqué, durite percée, disque voilé, débitmètre HS. Avec Rose on a eu plutôt du bol, ça a commencé soft (ah, tiens, elle a besoin de lunettes messieurs-dames. Quoi ? si petite ? oui, oui, sinon elle sera borgne car son cerveau n’a pas l’intention d’utiliser ses 2 yeux donc il faut l’éduquer tout de suite (pas Rose, le cerveau)). L’amblyopie ça s’appelle. C’est de famille, il parait. Du côté de son père. C’est parti pour les lunettes de bébé avec scotch sur les verres et élastiques derrière le crâne.

Quelques année après, fumée blanche pour le pape, fumée bleue pour les soupapes, on retourne chez le garagiste (à Necker, quoi). L’orthopédiste de Necker (le docteur Cadillac, j’invente rien) découvre que Rose a les pieds plats… très plats. Voûte plantaire complètement affaissée, pas bon pour la suite, la posture squeletto-machinesque tout ça. Déjà qu’elle a marché à 5 ans, on n’allait pas prendre de risques pour sa croissance. C’est parti pour les coques orthopédiques dans les chaussures montantes, hiver comme été.

Et l’année dernière, au contrôle technique, on trouve à Rose une scoliose (oui, ça rime). On fait une radio et on se quitte bons amis pour 6 mois en se disant que peut-être la scoliose n’évoluera pas. Six mois après, la nouvelle radio montre que la scoliose a considérablement évolué et Rose se voit prescrire un corset rigide à porter nuit et jours jusqu’à la fin de sa croissance.

Alors, ce corset, il y a deux façons de le fabriquer : Soit le patient ne bouge pas pendant 3 minutes et on scanne son thorax pour en faire un modèle 3D (AH! AH!) soit on prend l’empreinte sur le vif, en mode mako moulage. Allez, c’est parti. Le poulet, enroulé de bandes plâtrées bien fraîches et mouillées, n’a pas trop apprécié l’exercice, mais bon gré mal gré on y est arrivés et on a même pu choisir le motif imprimé sur la résine du corset (je voulais camouflage, je trouvais ça rigolo, mais y’a eu veto paternel en faveur des petits oiseaux).

C’est parti pour X années de corset rigide et très très près du corps, des aisselles jusqu’au bas des hanches. On oublie toutes les jolies fringues d’été parce que le corset se porte exclusivement sur des teeshirts spéciaux blancs sans coutures. Pour les pantalons c’est legging mou ou jogging de racaille obligatoire. Et la couche, on la met où ? Couche sur le corset, risque de fuite. Couche sous le corset, risque d’explosion.

Après quelques jours de mauvaise humeur bien compréhensible, Rose s’est habituée à sa nouvelle carrosserie qui lui fait une silhouette bien carénée. Le corset a même eu un effet bénéfique assez inattendu : Rose dort à nouveau la nuit, elle qui pétait le feu à partir de 3h du matin… on ne l’entend plus avant 7h. Peut-être qu’elle avait mal au dos. Peut-être que le corset l’empêche de se lever, va savoir. En tous cas, elle s’adapte de mieux en mieux à la contrainte et invente même de nouvelles postures de relaxation. C’est le yoga-gogo.