Les nuits (pas) roses

Rose se couche tôt, très tôt et se réveille très très tôt. Depuis toujours. (Elle a dormi normalement de 2013 à 2016, juste le temps de laisser croire à Axel que vivre avec un enfant handicapé, c’était pas si différent).

J’ai des nuits de navigateur solitaire. Et d’animateur de matinale de radio. Je me couche à 22h maximum tous les soirs sinon c’est la cata. Tiens, prenons la nuit d’hier, par exemple. Comme Rose veut absolument se coucher à 18h, je suis obligée de m’occuper d’elle non-stop jusqu’à 20h pour l’empêcher de s’endormir. Je lui donne du coca rouge à la caféine, je mets la musique à fond, je danse, je chante, je la douche (froid/chaud/froid/chaud) j’invente des trucs, quoi.

Entre 19h30 et 20h, elle s’endort quoi qu’il arrive, même debout, même toute habillée, même par terre devant sa chambre si j’ai fermé la porte. Bon, je capitule, je la couche. J’ai mes soirées, au moins. Pas d’histoire, pas de pipi, pas de verre d’eau, pas de lumière dans le couloir, pas de dernier bisou (enfin si, mais elle dort déjà).

Je dîne, je regarde un peu la télé, je lis 2 pages de mon bouquin et je m’endors. Sans aucun problème. (Si vous n’arrivez pas à dormir avant minuit c’est que vous ne vous levez pas à la même heure que moi). Allez, bonne nuit.

3h00 : hurlement de joie. Tout l’immeuble sursaute, Rose est réveillée. Sa nuit est finie. Elle sort de sa chambre et va dans le salon. Je me lève, j’essaye de la recoucher (c’est niet), j’essaye de l’emmener aux toilettes (non plus). Je la laisse dans le salon avec ses jouets, la télé (canal 140, Disney Channel) des gâteaux et des verres d’eau. Je retourne me coucher.

3h30 : bruit de chute d’objet en provenance du salon. Bon. Est-ce son piano en plastique super lourd OU un objet contondant super dangereux ? Je me lève pour vérifier parce qu’elle a eu une période anti-dessous-de-plat en marbre/carafes/vases/lampes. Non, ça va, c’est bien le piano en plastique qui est par terre. Je me recouche.

4h00 : La porte de notre chambre s’ouvre à toute volée, en mode saloon. Elle ne veut déjà plus rester seule, il faut que je bouge. J’enferme Axel dans notre chambre pour lui éviter une visite pas forcément amicale et je migre dans celle de Rose, j’essaye de nous recoucher toutes les deux. Elle ne bouge plus, un bref espoir m’envahit, je me rendors.

4h30 : tiens, une alarme sonne. C’est celle du fridge qui nous signale qu’il est ouvert depuis trop longtemps. Rose est retournée dans le salon et elle fouille dans les placards. Je lui redonne des gâteaux pour qu’elle puisse continuer à les émietter sur le canapé. Je me recouche, m’en fous, on fera le ménage demain, comme d’hab.

5h25 : un fumet suspect me réveille. Accident de couche-culotte taille XXL, j’ai intérêt à me lever dare-dare si je ne veux pas admirer la peinture rupestre qui va suivre si je ne fais rien. Gants, sac, couche, enlever le corset, laver le client, remettre une couche propre, un nouveau pyjama et même parfois de nouveaux draps. Tra la la. Mettre les 25 peluches contaminées à la machine. Je suis joueuse, je me re-re-recouche et je me re-re-rendors.

6h15 : Le voisin discute avec Rose sur le palier. Il lui demande ce qu’elle fait là. Tiens, moi aussi je me demande ce qu’elle fait là. J’ai oublié de fermer la porte d’entrée à clé, on dirait. Je me lève pour récupérer ma fille sur la palier, elle en couche-corset , moi en zombie-nuisette.

Bon, j’abandonne. Je fais du café, je regarde les gilets jaunes sur BFM, je me lève, quoi.

J’ai rendez-vous en février chez un ponte du sommeil pour voir ce qu’il en pense, je vous tiendrai au courant. MAIS pitié, ne venez pas me demander si on a essayé la mélatonine, si y’a pas moyen de la coucher plus tard quand même, si on pourrait pas lui donner du Toplexil, si son lit ne serait pas mieux dans l’autre sens, si on a testé l’homéopathie, si on ne ferait pas mieux de partir vivre à la campagne, si on a pensé à mettre du quadruple vitrage pour le bruit, pitié. On a tout essayé.

Une vraie vie de chien.

Update post-RV avec ponte du sommeil : on réessaye la mélatonine, l’hormone du sommeil, et Rose fait 6 blanches dans la foulée. On regrette le bon vieux temps, quand elle dormait de 19h30 à 3h du mat’. On double la dose de Risperdal, le neuroleptique qu’elle prend le soir. Pissage dans violon. On lui file de l’Atarax en plus du Risperdal depuis quelques jours et elle dort, enfin, de 22h à 4h. Impression assez forte que la vie se fout de ma gueule. A suivre.

Update adolescence : Rose a 16 ans, elle s’endort toujours à 19h30, en revanche impossible de la réveiller avant 8h30 le matin. Elle dort comme une souche jusqu’à ce que je la sorte de son lit, membre par membre jusqu’à être parfois obligée de l’habiller allongée. Pourvu que ça dure.