L’été à Paris (2)

Boulot

Voici mon petit billet annuel de parisienne fondue dans l’asphalte noire et gluante, rêvant la nuit de plages fraîches et de glace à l’eau. Je râlais déjà, il y a quelques temps, dans cet article et rien n’a changé, je déteste l’été à Paris. Il ne reste que les pigeons, les chômeurs, les clodos et les travailleurs indépendants pour profiter de la chouette canicule et finir ce que les salariés ont laissé en plan pour aller se faire rôtir le cul à la plage.

illustration pigeons

Toute la voirie hidalguesque est en travaux, les cyclistes sont relous et très pressés (d’aller où, bordel ??), les trottinettistes, ces emmerdeurs, roulent sur le trottoir, vont beaucoup trop vite et nous frôlent silencieusement au moment où l’on s’y attend le moins. Les automobilistes et les scootards klaxonnent et s’insultent à tous les coins de rues en plus de laisser tourner leur moteur à l’arrêt pendant qu’ils tripotent leurs téléphones.

L’été à Paris, il y a aussi les gens désagréables qui adorent Paris tout vide. Les pervers. Les libraires et les bibliothécaires. Ils n’aiment pas les humains, ils parlent tout bas, n’arrivent pas à ouvrir complètement les yeux, ne nous regardent pas en face et n’ont qu’une hâte, c’est qu’on se casse avec nos bouquins. Ils ne disent pas bonjour ni au revoir (contrairement aux boulangères qui adorent ça, mais les boulangères ont baissé le rideau de fer depuis 3 semaines, pensez-vous).

illustration boutiques fermées

Les médecins de garde qui regrettent d’avoir fait médecine sont là aussi. Nos vilains corps nus, malades et flasques les dégoûtent. Ils voulaient être chirurgiens, ils sont généralistes, ils nous détestent. Et maltraitent leurs secrétaires médicales qui se vengent sur nous.

Notons cependant de relatives améliorations assez récentes de comportement  chez certaines populations estivales non-migrantes : les chauffeurs de taxi, qui étaient vieux, racistes, gros, moches, fumeurs et malhonnêtes ont carrément été obligés de devenir serviables, sympa, rapides et efficaces. Merci Uber. Si on m’avait dit il y a 20 ans qu’ils prendraient un jour la carte bleue et m’offriraient des bouteilles d’eau et des bonbons j’aurais bien rigolé.

Pareil pour les serveurs. Du sale con hautain, méprisant les touristes qui essayent de baragouiner un truc en français, on est passé à monsieur Paris-est-une-fête, vazy que je te trouve une chaise haute, vazy que pas de problème pour faire une table de 8 avec 2 tables de 4 (avant, c’était même pas en rêve, de toucher à son plan de salle). Merci les attentats. Les garçons de café, redescendus de leur piédestal, nous apportent maintenant le pain et la carafe d’eau sans broncher. (A 28€ la salade César, c’est vraiment trop sympa).

Restent aussi ceux dont on ne sait pas s’ils sont désagréables ou pas : les gérants de restau japonais et les maraîchers arabes. On ne comprend rien à ce qu’ils racontent. Le muezzin de la pastèque s’époumone harmonieusement pour attirer le chaland au marché, on se dit qu’il dit « elle est belle ma pastèque, elle est belle » alors qu’on n’en sait rien, peut-être qu’il dit « Ahmed vend des patates pourries, n’achetez rien chez lui ».

Idem chez les chinois du japonais, on a l’impression qu’ils disent « hé ducon, tu me les prépares ces putains de makis pour la 12 ou je te renvoie au pays dans ta caisse à trous » alors que, peut-être, ils disent juste « hé petit commis, n’oublie pas de préparer ma commande s’il te plait, nos bien-aimés clients attendent leur plat ».

illustration sushis

Enfin, il y a aussi les héros du quotidien, ceux qui seront toujours là, ceux qui sont sympa en toutes circonstances et qui auraient, eux, le droit d’être vraiment désagréables. Je pense bien sûr aux éboueurs qui se font klaxonner alors qu’ils sont en train de ramasser nos poubelles puantes par 40° à l’ombre. Aux pompiers qui se font insulter par des gens ivres à qui ils viennent de sauver la vie. Aux urgentistes des hôpitaux qui passent leurs journées et leurs nuits à gérer des sous-dev qui se battent dans les couloirs. Aux illustratrices qui ont trimé pour rendre un méga-boulot à l’heure et qu’on paye neuf mois après.

Bonnes vacances à tous.

Les illustrations de cet article sont coloriées avec les pieds parce que je m’en fous, je m’en fous de tout, de ces chaines qui pendent à mon cou, je m’enfuis, j’oublie, je m’offre une parenthèse, un sursis.

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14 réflexions sur “L’été à Paris (2)

  1. On ne peut dire qu’une chose après lecture : vive la décentralisation !
    Ce monde parisien est un vrai théâtre ; on est obligé de rigoler de vos difficultés. …..c’est a peine si on vous plaint car vu de l’extérieur, de la province, on a envie de vous dire : changez de vie !…..

  2. Mais qu’est-ce que je me marre toute seule devant mon écran à chaque news !
    Bravo Zoé…
    Pour le paiement 9 mois après, les agences aussi en font partie .
    Bel été

    Valérie

  3. Du temps où j’étais parisienne, j’hésitais entre aimer ce Paris désert du mois d’août (pouvoir s’asseoir dans le métro, se promener sans être bousculée, etc.) et détester cette ambiance vide et touristique (pouvoir s’asseoir dans le métro sauf sur la ligne 1 entre Concorde et Bastille, chercher longtemps une boulangerie ouverte, etc.).
    Bonnes vacances !

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