Christophe(s)

Boulot

Dans ma vie personnelle, il y a un Axel. Dans ma vie professionnelle, il y a trois Christophe.

Le premier Christophe, c’est mon agent.

Christophe me représente depuis bientôt 18 ans. C’est un agent talentueux et respecté, honnête et sympathique. Mais entre lui et moi, la lune de miel des débuts est terminée depuis belle lurette. Il est dans son bureau, je suis dans le mien à l’autre bout de Paris. Homme-tronc, femme-tronc, vissés sur nos chaises de bureau respectives, on travaille devant nos ordinateurs, avec notre thé, notre casque anti-bruit et notre plaid sur les genoux. Mais nous sommes liés par les liens sacrés du business. Alors, quand il le faut, on se parle. On a nos petites habitudes, nos petites phrases rituelles pour reprendre le contact en douceur. L’autre jour, cependant, ça n’a pas suffi. Christophe m’appelle pour me proposer une série d’illustrations à l’image de notre vieux couple : pas sexy, pas marrante, très technique. Blasée, lassée, je lui dis que je n’ai pas envie. Surtout que le sujet à représenter, ce sont des mains en train de réaliser des gestes chirurgicaux. Les mains, c’est comme les portraits et les voitures, j’ai horreur de ça, c’est la tannée intégrale à illustrer. Donc je le remercie et je décline. Et là, il me marmonne un « ouais, bon, tu sais pas dessiner, quoi » avant de raccrocher. Mais c’est quand que tu mets des paillettes dans ma vie, Christophe ???

Et puis, bon, on s’en fout des mains.

Le deuxième Christophe, c’est mon client.

Je travaille, depuis 3 ans, sous la direction artistique de Christophe pour concevoir les illustrations des panneaux d’autoroutes APRR. Nous avons fait nos études dans la même école de graphisme à quelques années d’intervalle, nous parlons le même jargon et nous sommes sur la même longueur d’ondes en matière de création, c’est pratique et bien agréable. Le truc étrange, c’est je ne l’ai jamais vu. Je ne sais même pas quelle tête il a. Un peu comme si on s’était trouvés sur un site de rencontre (« adopte un client ? »). On parle des heures au téléphone, on s’entend très bien, on fait des blagues hyper pointues et drôles sur les visuels des concurrents, on est d’accord sur plein de trucs, on travaille bien. Il est impliqué, précis, rigoureux. On peut débattre d’une ligne, d’une teinte ou d’une forme pendant des heures et je suis sûre qu’il en cauchemarde la nuit. Quand nos visuels sont au point, il prend son bâton de pèlerin et s’en va à travers nos belles provinces françaises faire valider les panneaux. Du lundi au vendredi, il écume les préfectures de la Côte d’Or et de la Haute-Marne, du Doubs, de l’Ain, de l’Aube, prenant chichement quelques maigres repas dans les gargotes de passage, puis un repos bien mérité le soir venu dans un Ibis Styles de zone industrielle. Saint-Christophe, patron des VRP, priez pour nous.

 

 

Le troisième Christophe, c’est mon éditeur.

Avec Christophe, je prépare le deuxième tome de Métro, Boulot, Gogo. Lui, je connais bien son visage, on passe des heures en tête-à-tête à discuter à la terrasse des cafés, comme je le faisais avec mon amoureux quand j’avais 18 ans. Sauf que Christophe et moi, on bosse. Il a un petit air de Jeremy Irons, il fume plein de cigarettes et boit des cafés noirs. Je le connais depuis moins de six mois et pourtant il sait tout de moi puisqu’il lit et relit ce que j’écris sur ma vie, mon boulot et ma fille. Ce Christophe-là, c’est la cerise sur le gâteau, toute ma vie professionnelle est maintenant remplie de Christophe(s). Je dois appeler Christophe, envoyer mes illustrations à Christophe, demander à Christophe de facturer Christophe, de Christopher Christophe qui Christophera Christophe christophement. D’ailleurs, quand j’ai rencontré Christophe, je lui ai dit que ça ne m’arrangeait pas qu’il s’appelle Christophe. Il s’est marré et il m’a dit que son associée s’appelait Zoé.

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25 réflexions sur “Christophe(s)

  1. Je me précipite toujours pour te lire Zoé, des que je vois ton adresse pointer dans ma boite mail. Merci pour ce moment de plaisir …

  2. je peux te proposer un Christophe, si tu veux. Il est designer, il dessine comme un maitre ! Un Christophe, doué, gentil, pas gestionnaire………..le mari de ma fille !

  3. Merci Zoé d’agrémenter mes pauses syndicales parsemés de quelques Christophes aussi!!
    Chouette un second tome à venir !!!

    1. Auto-portrait très réussi, il y a longtemps que l’on ne s’est pas vus mais je te reconnais bien. Moi c’est les Fred qui m’entourent ! Bonne Toussaint avec Rose, bizous.

  4. Zoé vs Christophe(s), ça équivaut à comparer une maladie orpheline au coronavirus du prénom qui sévit dans les années 70, finalement ton échantillon de Christophe tient la route, on a eu peur un instant, de croiser des Barbier, Hondelatte ou autre Castaner .. ouf
    Cricridamur

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